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30 novembre 2020

Chapitre 3 : Carlota

J’étais coincée. Comment allais-je me sortir de ce guêpier ? Il était inutile de dire que je ne connaissais pas leur dernier single ou que je ne l’avais écouté qu’une fois. J’avais bien senti que je m’enflammais en parlant de leur musique, mais je n’avais pas pu m’arrêter. Le frisson que me procurait Wax m’avait envahi, l’excitation avait gagné tout mon être. C’était trop bon de se lâcher. Inconsciemment c’est un moment que je n’avais pas pu laisser filer. Rencontrer le groupe et échanger avec eux au sujet de leur travail, je l’avais rêvé depuis si longtemps. Je n’avais pas pu me brider, pas cette fois. Pour moi qui étais la reine du contrôle et de la maitrise de soi, c’était plutôt ironique.  

Ce soir, depuis bien longtemps, une situation m’échappait. Je devais m’enfuir loin de Wax, et tout serait fini. Je prétexterai n’importe quoi auprès du journal pour expliquer le naufrage de mon article et je n’entendrais plus jamais parler de Nic Black. Je sécherai mes larmes en cachette, remiserai mes vieux fantasmes au fond de ma mémoire et je pourrai enfin passer à autre chose. Voilà, c’est ça que j’allais faire. Maintenant. Enfin dès qu’il aurait lâché ma main.  

 

– Arrêtez-vous Nic lui intimais-je en essayant de me dégager de son emprise. Ça suffit, cessez de vous comporter comme une star gâtée à qui tout le monde obéit. 

 

Ma voix de maitresse d’école ne l’impressionnait visiblement pas. Pire même ça le faisait sourire. Super.  

 

– Vous est-il passé par la tête que je n’étais pas disponible ce soir, ou même que je n’avais pas envie de dîner avec vous ? 

– C’est à vous de voir Carlota. C’est vous qui devez écrire un article sur moi et pour l’instant vous n’avez rien de plus que des banalités.  

– Je me débrouillerai avec ce que j’ai 

– Dois-je en déduire que vous avez bien plus d’informations que vous le dites. Seriez-vous un de ces paparazzi déguisé en journaliste qui nous traquent jour et nuit ? Allez-vous vendre votre torchon au magazine people le plus offrant ? Etes-vous un de ces charognards que nous détestons tant ? Dites-moi Carlota, ce que vous êtes vraiment. 

 

Il avait lâché ma main pour me faire face et nous étions à présent arrêtés devant l’entrée du restaurant. Il attendait mes explications. J’avais deux options. Tout lui révéler ou m’enfuir en courant. Dans les deux je perdais toute crédibilité. Je pris quelques secondes pour maudire Sam et son article, moi et ma langue trop bien pendue, Nic qui attendait en me fixant de son regard de braise. Et la terre entière aussi, tiens.  

 

– Je vous ai menti Nic 

– Sans blague Carlota ! 

– Je connais un peu Wax et j’aime effectivement ce que vous faites. Surtout la dernière chanson, comme vous l’avez deviné. J’aurai préféré garder tout cela pour moi, pour écrire avec des yeux de novice. Vous m’auriez fait la promo de votre album, vous m’auriez parlé comme vous le faites avec votre public pour le conquérir. Je ne voulais pas que mon opinion compte ou vous influence dans ce que vous alliez me dire. Je suis déjà acquise à votre cause, donc ça me paraissait un peu trop facile pour vous.  

 

Il ne répondit pas tout de suite, laissant mon cœur battre la chamade. J’avais arrangé la vérité à ma façon, en espérant le convaincre.  

 

– Vous auriez dû être honnête. J’aurai de toute façon cherché à vous séduire, comme je le fais avec mes fans, me répondit-il d’une voix grave en se rapprochant dangereusement. Mon public et moi, nous avons une relation passionnelle. Pendant les concerts, nos cœurs battent à l’unisson, nous vibrons ensemble. Ils sont là pour moi et je suis là pour eux. Sans eux je ne suis rien. Pourtant, ils ne sont jamais acquis à ma cause, comme vous dîtes. Je dois les charmer à chaque album, à chaque concert. Ce n’est jamais facile, mais j’aime le faire.  

 

Ses paroles me firent frissonner et la passion dans sa voix me donna la chair de poule. Il m’avait séduit il y a bien longtemps déjà.  

 

– Maintenant que les choses sont claires, pouvons-nous aller dîner ? Je vous promets qu’ensuite vous aurez de quoi écrire un très bon article.  

 

Si les choses s’arrêtaient là, je pourrais dire que je m’en étais pas mal sortie. A mon grand étonnement, mes explications avaient eu l’air de lui suffire. Pour ne pas tenter le diable, je me dépêchai de le suivre. Pas question que je lui laisse le temps d’enchainer sur le sujet. 

 

La salle de restaurant de l’hôtel était charmante. Située sur le même étage que le petit salon où nous nous trouvions, elle était dissimulée par de lourds rideaux qui garantissaient l’intimité. Le serveur nous guida au fond de la salle, à une table si bien dissimulée qu’elle était cachée des regards indiscrets. 

A peine installés, Nic nous commanda deux tasses de thé.  

 

– Je ne bois jamais d’alcool me précisa-t-il alors que je lui lançais un regard surpris 

– Etonnant pour un chanteur de rock non ?  

– Les stéréotypes vous étouffent Carlota me répondit-il en riant. Tous les chanteurs de rock ne vivent pas dans la dépravation et la décadence. Je ne me drogue pas, je ne couche pas avec toutes les femmes qui me passent sous le nez, et non, je ne bois pas d’alcool non plus. 

– Vous n’avez aucun vice alors ? 

 

Ma dernière remarque le fit sourire. L’atmosphère s’était soudain détendue, et j’appréciais. Je me sentais bien en sa compagnie et j’en oubliai presque que j’avais un article à écrire.  

 

– Ni l’alcool ni la drogue non, me répondit-il en rivant son regard au mien.  

– Les femmes alors ? 

 

Il prit le temps de boire quelques gorgées de thé avant de me répondre.  

 

– Ça vous intrigue n’est-ce pas Carlota ? Je vais vous répondre alors.  J’aime tout ce qui est beau. Que ce soit les objets, l’art ou les femmes. Et je fais ce qu’il faut pour les obtenir. J’aime la sensation qu’on ressent les quelques secondes qui précédent l’instant où je vais les posséder. Je suis dans cette quête perpétuelle de ce moment si particulier où le désir de quelque chose, ou de quelqu’un est à son paroxysme. Malheureusement cette sensation, si puissante soit elle, est très éphémère. Alors je me remets à chercher. 

– Vous êtes un prédateur Nic. Un chasseur sans cesse à la recherche d’une nouvelle proie.  

– Mes proies sont toujours consentantes et ravies que je les pourchasse Carlota. 

 

Sa voix avait baissé d’un ton et malgré moi un frisson remonta le long de mon échine. Sa main se posa sur la mienne. Elle était chaude et douce.  

 

– Je vous ai choqué ? Je m’en excuse. Je voulais juste que les choses soient claires avant que tout commence. 

– De quoi parlez-vous Nic lui demandai-je d’une voix un peu tremblante 

– Mais de vous Carlota. Vous avez éveillé ma curiosité. Vous m’intriguez. J’ai envie de découvrir ce qu’il se cache derrière cette Melle Maxwell, cette jeune femme tellement comme il faut.  

– Vous délirez Nic, mais surtout vous perdez votre temps. Après cette soirée complètement surréaliste, je ferai en sorte que nos chemins ne se recroisent jamais. Vous êtes un gosse trop gâté, il est temps d’apprendre qu’on n’obtient pas toujours ce que l’on veut. 

 

A la fin de ma tirade, j’étais essoufflée, mais surtout mon cœur était ravagé. L’homme que j’idéalisais depuis si longtemps était en fait un imposteur, doublé d’un goujat. La déception me noua la gorge. Tous les murs de mon monde imaginaire étaient en train de voler en éclat.  

 

Le serveur qui nous apporta les entrées me sortit de mes noires pensées. Il fallait que je me reprenne. Après tout il n’y avait aucun drame là dessous. J’étais déçue, voilà tout. J’allais m’en remettre et passer à autre chose. Mais avant cela j’avais un article à rédiger. Je chassais mes désillusions et essayai de faire bonne figure. Il fallait que je reprenne l’interview, sinon cette soirée ne finirait jamais. Nic me devança  

 

– Racontez-moi comment vous êtes tombée dans la politique. C’est une vocation ? 

– J’ai travaillé dur pour arriver à devenir journaliste, en effet. C’est un travail qui me satisfait, que je maitrise. C’était en quelque sorte ma destinée j’imagine. 

– Ce n’était pas la question. Aimez-vous ce que vous faîtes Carlota ? Avez-vous ce besoin viscéral de partager votre passion avec vos lecteurs. Etes-vous triste quand l’inspiration vous abandonne et que votre vie semble tout à coup tellement vide ?  

 

Je pris le temps de manger quelques feuilles de salade avant de répondre. Non, je ne connaissais pas l’enthousiasme qui animait Nic quand il parlait de la musique. Ce n’était pas par passion que j’exerçais mon métier, mais plutôt par défi.  

 

– Est-ce vraiment important finalement Nic ?  On a tous des rêves, puis on devient raisonnable et on les oublie un jour où l’autre. C’est la vie. 

– Pas tout le monde Carlota. Certains continuent à poursuivre leurs rêves quoiqu’il leur en coute. On appelle ça la liberté.  

 

Je le dévisageai pensive. Il avait une philosophie de la vie qui me fascinait. Il faisait ce qu’il voulait, suivait son instinct et ses envies. Il était mon contraire, mon antithèse. J’étais sur le point de renchérir quand un homme immense et tout en muscle, habillé en costume noir s’approcha de nous. 

 

– Excusez-moi de vous interrompre Mr Black, un appel pour vous, c’est urgent lui dit-il en lui tendant un téléphone. 

– Merci Santo. Je vais le prendre ici.  

 

L’homme nous tourna le dos et repartit vers le fond de la salle. Je ne l’avais pas aperçu jusque-là, mais j’imaginais que c’était une sorte de garde du corps où d’homme de confiance. 

 

– Allô. Oui ma chérie. Oui….Je suis au restaurant de l’hôtel pour un diner de travail. Mais oui tu me manques, évidemment. D’accord oui…Mets-toi au lit Juliet et je t’appelle plus tard. Moi aussi je t’aime. A tout à l’heure. 

 

Non mais alors là c’était le comble ! Cinq minutes auparavant Nic me faisait l’apologie des conquêtes d’un soir. Il m’avait même joué le jeu de « bientôt ce sera ton tour ma Cocotte » et là j’avais droit à la grande déclaration d’amour au téléphone. 

C’était trop pour moi. Où était le gars qui chantait des chansons d’amour à vous mettre des larmes dans les yeux. Où était le poète qui envoutait les salles de concert avec ses mots. Où était le héros de ma jeunesse ?  

J’essuyais une véritable tempête intérieure. J’étais aussi dans une colère noire contre moi-même. Comment avais-je pu me laisser aller à construire un monde imaginaire dont ce mec était le roi.  

D’un geste rageur, je jetais ma serviette sur la table et repoussai ma chaise.  

 

– Que vous arrive-t-il Carlota, vous êtes blanche comme un linge. 

– Vous m’écœurez Nic, vous n’êtes en fait qu’un vulgaire coureur de jupons. Vous êtes un menteur, vous êtes malhonnête. Vous faites pleurez vos fans en parlant de l’amour pur et sincère qui vous anime. Vous avez l’audace de vous présenter auprès de votre public comme un homme honnête et droit, alors que vous n’êtes qu’un menteur. Vous avez osé me sortir le grand jeu de la séduction, alors qu’au même moment une Juliet est couchée dans votre lit. 

– Carlota…. 

– En fait vous êtes un vrai connard. C’est tout. Je n’écrirai pas cet article. Ne m’approchez plus. Je ne veux plus jamais entendre parler de vous. 

 

Je sentais bien que c’était la déception et l’amertume qui me faisaient parler. Après tout, dans le monde du show-business, tout le monde savait bien que seules les apparences comptaient. Ce monde avait besoin de comédiens pour nous vendre du rêve. Nic en faisait partie, c’est tout.  

 

– Carlota, attendez me dit Nic en faisant le tour de la table pour me retenir 

 

Je ne m’arrêtai pas et accélérai même le pas. Cela ne me porta pas chance. Je sentis mes pieds s’emmêler dans la lanière du sac de mon ordinateur portable et tout mon poids bascula en arrière. Je sentis les bras de Nic s’enrouler autour de ma taille pour empêcher ma chute. Ma tête heurta doucement son torse.  

 

– Lâchez-moi Nic. 

 

J’avais le souffle coupé et ma voix était plus rauque que d’habitude. J’étais prisonnière de son étreinte, retenue contre son torse puissant, tellement proche que je sentais les battements de son cœur. 

 

– Non. Pas avant que vous ne m’ayez dit ce qui vous a contrarié à ce point. Pas avant d’avoir découvert ce que vous cachez. Pas avant d’avoir connu l’éphémère sensation dont nous parlions tout à l’heure… 

 

Maintenant mes jambes tremblaient carrément. Jamais je n’avais connu ce sentiment d’être une proie. La situation était tellement troublante et si excitante.  

 

– Ne faites pas d’esclandre Carlota, si vous ne voulez pas que tout le monde soit attiré par vos éclats de voix et quelqu’un ne dégaine son téléphone pour filmer la scène et la mettre en ligne dans les dix minutes qui arrivent. 

 

 Sa voix basse m’envoutait. Mon cœur s’emballa, sans que je ne puisse dire si c’était la peur de voir des photos de nous enlacés apparaitre dans les journaux, ou le contact de son torse contre mon dos. Ses bras me serrèrent encore plus fort contre lui et il rapprocha ses lèvres de mon cou. 

 

– Je trouverai un moyen de faire céder la forteresse qui vous entoure. Le jeu ne me fait pas peur. Il m’excite même. Plus vous fuirez, plus je vous suivrai. Je vous trouverai Carlota. C’est une promesse.  

 

Sa bouche se posa contre ma peau. Je sursautai. A cause de la surprise. A cause aussi de la décharge électrique qu’elle provoqua dans tout mon corps. Mon ventre se noua. Les sensations déferlèrent dans tous mon être. Je ne pouvais rien y faire et je me laissai basculer dans le monde de Nic Black. Ma tête roula contre son épaule alors que ses mains caressaient la courbe de mes hanches. Je soupirai. 

 

– Bientôt Carlota, vous serez à moi souffla-t-il à mon oreille. 

 

Ce fut l’électrochoc. D’un mouvement je me dégageai de son étreinte et je me retournai face à lui. 

 

– Jamais Nic. Je ne serais jamais un de vos vulgaires petits caprices. Je ne veux plus rien avoir à faire avec vous. Merci pour le voyage mais votre monde est trop pervers. Vous ne connaissez plus la valeur des choses, ni celle des gens. Vous vous êtes perdu dans la gloire et les apparences. Laissez-moi tranquille et ne m’approchez plus jamais. 

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